2/2/2024
Confirmation du contrat nul et connaissance du vice
APPARITION
Confirmation du contrat nul et connaissance du vice
Par Paul Zeitoun et Mickael Gomez, Avocats.

Le présent article a pour objet d’apporter des précisions sur les décisions rendues le 31 août 2022 par la Cour de cassation (n°21-12.968 et 21-12.969).
Des consommateurs ont conclu des contrats hors établissement avec une société installatrice de panneaux photovoltaïques.

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Quelques années plus tard, ils ont assigné cette même société ainsi que les établissements financiers aux fins d’obtenir la nullité des contrats conclus pour des manquements au formalisme imposé à ce type de contrat par le Code de la consommation. Les sociétés soutenaient quant à elles que les consommateurs avaient pleinement connaissance des vices affectant les contrats dès lors que les dispositions prescrivant le formalisme étaient reproduites aux termes des actes, de sorte que leurs exécutions volontaires postérieures valaient confirmation de ceux-ci.

Dans les deux arrêts rendus le 31 août 2022, la Cour de cassation a énoncé que la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au consommateur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions.

1. Rappel des faits.

Des consommateurs ont conclu les 8 juin, 13 juillet et 10 août 2016 des contrats hors établissement avec une société Y.
Les dits contrats portaient sur la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques, lesquels ont été financés par des crédits souscrits le même jour auprès d’établissements financiers. Par la suite, les consommateurs ont assigné la société Y ainsi que les établissements financiers afin d’obtenir la nullité des contrats sur le fondement des dispositions des articles L221-5 [1] et L111-1 du Code de la consommation.

Les consommateurs reprochaient aux contrats conclus hors établissement de ne pas respecter le formalisme imposé par les articles susvisés et de ne pas mentionner notamment :
- Les modalités et les délais de livraison ;
- La ventilation du prix entre le coût du matériel et le coût de la main d’œuvre ;
- Les coordonnées du démarcheur.
- La société Y et les établissements financiers faisaient valoir quant à eux que la nullité encourue au titre d’un manquement aux dispositions des articles L221-5 et L111-1 était une nullité relative, de sorte qu’elle pouvait avoir été confirmée par les consommateurs.
- Les défendeurs se fondaient sur le mécanisme de l’article 1182 du Code civil selon lequel, l’exécution volontaire du contrat de la part des consommateurs, en connaissance des vices affectant l’acte, emportait confirmation du contrat et privait les consommateurs de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées.
- La société Y et les établissements financiers avançaient notamment que la prise de connaissance des vices de la part des consommateurs pouvait résulter de la reproduction in extenso, au verso de l’acte après les conditions générales de vente, des dispositions prescrivant le formalisme en matière de contrat conclu hors établissement.

En d’autres termes, l’argument soutenu était que :

1/ Au recto le bon de commande ne respecte pas le formalisme des articles L111-1 et L221-5 du Code de la consommation ;
2/ Au verso, le bon de commande reproduit l’intégralité des textes susvisés, de sorte que les consommateurs avaient la capacité de connaitre leurs droits et de réaliser que le bon de commande était irrégulier.

La Cour d’appel de Douai, saisit des deux dossiers, avait prononcé la nullité des contrats pour non-conformité aux exigences de formalisme prévues par le Code de la consommation.
Il appartenait alors aux Juges de rechercher si les consommateurs avaient confirmé les contrats, et notamment s’ils pouvaient avoir connaissance des vices affectant les bons de commande. La Cour d’appel de Douai a exclu le mécanisme de la confirmation aux motifs que « le fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du Code de la consommation est insuffisant à révéler à l’emprunteur les vices affectant ce bon ».
La société Y a formé un pourvoi en cassation et les établissements financiers ont formé des pourvois incidents.

2. L’apport des arrêts rendus le 31 août 2022.

Déjà, notons qu’un des deux arrêts de la Cour de cassation a été publié au Bulletin, de sorte que la Cour a voulu le doter d’une certaine portée. Les sociétés faisaient grief aux deux arrêts de prononcer la nullité des contrats et d’exclure le mécanisme de la confirmation tacite alors que la reproduction intégrale des différents articles du Code de la consommation en caractère parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente suffisait à permettre aux consommateurs de prendre connaissance de l’irrégularité formelle des contrats.

En réponse, la Cour de cassation a énoncé que la reproduction lisible dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permettait au consommateur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions.
La première chambre civile a ainsi cassé et annulé les deux arrêts de la Cour d’appel de Douai au visa de l’article 1338 ancien du Code civil (article 1182 nouveau du Code civil). L’enseignement majeur à tirer de ces arrêts est que la connaissance du vice affectant l’acte peut se déduire de la reproduction lisible, aux termes du contrat, des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable. Ainsi, la seule reproduction lisible des dispositions prescrivant le formalisme applicable au contrat conclu hors établissement suffit, à elle seule, pour s’assurer que le consommateur prend connaissance du vice qui a résulté de l’inobservation par le professionnel de ces mêmes dispositions. Seule subsiste la question de la lisibilité, élément de fait qui sera contrôlé par les juges du fond. Il n’en demeure pas moins que la nullité relative affectant un acte ne peut être couverte que par la confirmation du consommateur qui ne peut s’effectuer qu’à la double condition de la connaissance du vice et de l’intention de le réparer.

La Cour de cassation ne s’est ici prononcée que sur l’une des deux conditions du mécanisme de la confirmation, à savoir celle de la connaissance du vice. En d’autres termes, si le consommateur a connaissance du vice résultant de l’inobservation des dispositions des articles L111-1 et L221-5 dès lors que celles-ci sont reproduites aux termes du contrat, encore faut-il, conformément à l’article 1182 du Code civil, que le consommateur ait eu l’intention de le réparer. Intention qui se prouve et se déduit par les actes postérieurs du consommateur et notamment la poursuite du contrat sur plusieurs années, le raccordement de l’installation, les remboursements des échéances du prêt, la revente de l’électricité à EDF, la réalisation de SAV [2].

Notes de l'article:

[1] Ancien article L121-17.

[2] Cour de cassation, Civ. 1, 26 février 2020, 18-19.316 ; Cour de cassation, Civ. 1, 21 octobre 2020, 18-26.761 ; Cour de cassation, Civ. 1, 9 décembre 2020, 18-25.686.

Paul ZEITOUN
Associé fondateur
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